mercredi 29 janvier 2020

De ma rencontre avec le fantôme à la fabrication d'argent...

Mosquée de Zongo Zénon














Une enfance aux côtés d'un certain Rachidi Gbadamassi

J'ai longtemps hésité avant de vous narrer cette histoire puisque je l'avoue, je n'ai pas eu l'accord de mon frère Gbadamassi avant d'entamer ce périple.
Je me permets donc de me jeter à l'eau tout en vous embarquant à bord de cette ferry qui j'espère ne coulera pas avant destination.

Mes années d'enfance

La petite mosquée en face de notre maison aura été tout le symbole de cette enfance. À quatre heures du matin, le muezzin dont la voix a fini par  m'être familier psalmodiait chaque matin quelques versets du coran, avant de lancer son Allah Akbar, on eut dit que  l'entonnoir était collé contre le  pavillon de mes oreilles tellement cela résonnait. Mais j'ai fini par m'y habituer.
Mon père nous avait quittés en 1983. J'étais encore très jeune.

 La ville de Parakou en ces années 80 était une métropole. Les rues n'étaient pas si bien tracées comme aujourd'hui, mais elles avaient du charme. Par une belle matinée du vendredi, Madame da Costa, une des sage-femmes les plus respectées de la ville, celle qui avait l'habitude de prêter main forte à ma mère pour qu'elle accouche, l'aida pour la dernière fois à faire venir son benjamin au monde. Moi.

Ma mère vint à Parakou à l'âge de 4 ans. Amenée par sa mère qui a rejoint son frère, mon oncle Antoine Soglo. La maison Soglo (aujourd'hui vendue ) était l'une des plus grandes du quartier Zongo Zénon. Elle fut envahie lors des échauffourées de 1991 à côté la famille Gankpon, les Gbèdo était sur l'aile Est, avant de traverser pour nous rejoindre vers le sud, il y avait les Bada et les Sètondji, le père de Oswald (paix à son âme).
En face de la maison et jouxtant la mosquée, la maison du roi des Yoroubas à Parakou qui est le père de Rachidi Gbadamassi.
Leur maison  porte le nom Yorouba Kpé fou qui veut dire la maison du roi des Yoroubas. Ils sont de Saki au Nigeria.
Dans cette grande ville, nous retrouverons les familles Toko à trois pattées de maison de chez  nous, en allant vers l'abattoir.  Juste derrière notre maison celle des Batoko, un peu plus loin vers Kobè, le quartier le plus populeux de la ville toujours sur la voie qui mène au grand hôpital, la famille ADAMBI.
Je tenais à faire ce rappel pour montrer que les trois maires de Parakou qui se sont presque succédés ont vécu dans le même rayon.
J'ai, par contre, fait la classe avec le plus jeune  maire Allassane Souradjou, je fus son responsable de classe à l'école Baouèra...

Nous avons fait du CI ( cours d'initiation) au CE1 (cours élémentaire première année).

Au marché "En commun" ancien nom du marché Arzèkè, les bouchers étaient ceux qui vous accueillaient à l'entrée. De façon éparse, il y avait quelques étalages dont celui qu'on ne saurait rater:l'étalage de ma mère "Célinanon" qui surplombait de loin tous les autres hangars.


La passerelle en Face du Marché Arzèkè




Ma  mère, présidente des femmes du marché "en commun"


Ma mère est restée longtemps présidente des femmes du marché "en commun" ( ancien nom du marché Arzèkè) de Parakou est une descendante du roi Ghézo, roi du royaume d'Abomey pendant la période précoloniale. Elle avait tout d'une amazone: belle, grande, elle était surtout une grande comédienne. Incroyable polyglotte, elle parlait plusieurs langues locales dont le fon, le dendi, le bariba, le Yorouba, le mina et un peu du français. Elle était illettrée comme mon père mais comprenait tout ou presque quand on parlait français. Nous étions 6 dans la fratrie.
Mais ma maman avait besoin d'aide pour l'étalage, la vente et le remballement des marchandises le soir. Nous avions donc à chaque fois au moins 10 domestiques en plus de louer les bras des portefaix  des auto-gares pour nous faire avancer les "pousse-pousse". Nous en avions cinq toujours bien chargés. Ma mère avait deux grandes boutiques non loin du marché et avait pris une des quatre chambres de la maison pour en faire un magasin.
Nous étions donc les enfants de la " riche commerçante " du quartier. Mais malgré tous les ouvriers, notre mère nous réveillait tous à quatre heures du matin. Moi, je ne faisais pas grand chose, mais après le premier tour, je restais pour surveiller les bagages afin que les autres fassent le reste des allers-retours. Nous rentrons à la maison tous les soirs très fatigués vers 20 heures et parfois à 21 heures. La plupart du temps en tenue Kaki. On n'avait pas le temps d'aller nous changer à la maison. Après les cours, nous venions directement au marché.



La maison familiale de Rachidi Gbadamassi

Rachidi Gbadamassi, ce teigneux

J'ai trois frères aînés et deux soeurs. L'un de mes frères était le meilleur ami du fils du roi des Yoroubas, Rachidi. Trapu, noir de teint, bagarreur, Rachidi se distingue cependant par le travail. Notre maison était juste en face des leurs. Du matin au soir, il était en compagnie de mes frères, surtout l'aîné ( Fofo Daho). Il se levait tôt pour venir ramasser les bagages avec nous et nous aidait à vite faire avancer les pousse-pousse. Notre mère l'admirait particulièrement pour son dynamisme. Il ne rechignait pas au travail, proposait toujours des solutions pour mieux finir le ramassage des cartons et autres sacs de Maïs ou de Soja.  Mais Rach, comme l'appelait Fofo Daho, avait un défaut, ce sera peut-être plus tard une de ces nombreuses qualités. Il était ambitieux, très ambitieux. Bien que venant de la maison du roi des Yoroubas de Parakou, Rach dut abandonner très tôt les cours après le décès de son père. Il trouva refuge chez nous à la maison. Au moins chez Celinanon, il y avait toujours à manger. Non content de manger les repas de la veille que la vieille préparait en quantité, mes frères et lui chipaient des boîtes de sardines ou de Pilchard qu'ils déversaient  au milieu des pains grossièrement éventrés avec la main. De la terrasse, je les observais chaque jour avec mes yeux d'enfant.
Mais ils ne s'arrêtaient pas là, ils me faisaient appeler leur copine du quartier. Et le ballet des filles ne s'arrêtaient que lorsque l'heure d'aller remballer les bagages au marché approchait.
Rach avait de gros yeux en matière de femmes, pour ne pas dire qu'il était des plus férus de femmes. Il les voulait très belles et surtout venant des familles aisées et il y arrivait.
Un jour, il me dit de l'accompagner vers l'école "Montagne" située sur une pente. Il désigna une maison et me dit: "tu vois Nono,  rentre et tu demandes d'après Sophie". Si je me souviens de cette visite parmi tant d'autres, c'est qu'une fois arrivé dans la maison, je n'eus la vie sauve que grâce à la providence, la maman de Sophie  avait sifflé les gros clébards qui, crocs dehors, étaient prêts à me mordre. J'eus la peur de ma vie.
Rach avait souvent des soucis avec sa soeur Rissi, des soucis d'argent. Mais c'était sa soeur, on n'y pouvait rien.

Le brave garçon finit par triompher de tout


Rach était un homme qui aura vaincu la fatalité, sa devise: viser toujours plus haut. Une de ses phrases qu'il finit par réaliser, il nous l'a dit à mon frère Hervé et moi en ces termes : un jour, je serai riche, je reviendrai ici et je partagerai l'argent comme ça... Il animait alors son propos du geste d'un homme assis qui partagera l'argent par dessus ses épaules par derrière. Gbadamassi l'avait dit et fait. Bien des années plus tard, quand nous sortâmes de notre maison, mon frère et moi, parce qu'il y avait une cérémonie en face au domicile des Gbadamassi, il faisait exactement le geste et quand il nous vit, il déposa les billets appuyant de ses annulaires la lisière des yeux sous la paupière du bas, pour mieux les écarter. Comme pour nous dire. Je l'ai fait.




La mosquée Centrale de Parakou


Ma rencontre avec le fantôme du marché

La nuit où les lucioles projetaient leur lumière dans le ciel comme des étoiles vertes allumées, de larges nattes étaient étalées dans le salon qui servait de couchettes à la dizaine de jeunes filles domestiques de maman. Malgré la fatigue de la journée, mes cousins rampaient la nuit pour se faufiler sous les pagnes des domestiques. Je les surpris une nuit  dans des états lubriques en voulant uriner. Et depuis cette nuit, je devins "voyeur".
Il ne se passait de nuit sans que je ne restasse en éveil pour voir ce pagne dans la pénombre aller en l'air et revenir à sa place, c'était le mouvement du "va et vient". La cognée des hanches devenait plus accélérée et de petits gémissements sortaient du dessous des pagnes. Et de l'une à l'autre, elles y passaient toutes. Il était rare que nos domestiques, la plupart des Kotokolis ou Kabyè, fuguent, il y avait toujours  à manger et le soir, elles étaient sexuellement satisfaites.
Moi benjamin, les yeux lourds de sommeil, après mes nuits de spectacles, je devrais cependant me lever et aller surveiller l'étalage.

Selon la rumeur, l'ancien marché de Parakou "en commun" aujourd'hui Arzèkè était un cimetière.
Cette légende urbaine me donnait chaque fois des frissons lorsque mes frères et Rach, les domestiques et autres gros bras venaient déposer les premiers bagages, me laissant comme consigne " Maman a dit de bien surveiller les effets et de ne surtout pas dormir hein".
Peine perdue, je ronflais aussitôt après leur départ. C'est en effet un de ces matins où je ne dormais pas que je vis venir à moi un homme en boubou blanc, il se déplaçait vers moi comme si ses pieds  ne touchaient pas le sol. J'avais tellement peur que mes dents claquaient. Il a tourné autour de moi avec une distance de près de deux mètres, je le suivai des yeux. Aussitôt, mon frère Hervé me tapota l'épaule et je sursautai. Ma première phrase fut :
- Tu l'as vu? tu as vu le monsieur en blanc?

Mes mains étaient moites. Je grelottais. Hervé n'avait jamais peur. Il partit d'un grand rire. Il aimait rire à la façon des méchants des films hindous que nous suivions à côté de la salle de conférence de la mairie en face de la plus grande auto-gare  quand nous dérobions des sous dans le bol à pièces de maman. Il aimait s'appeler "Ashanti, le méchant",  et a fini par imiter le rire du tyran.
C'est ce frère moqueur que j'avais. Il dit :
- Mais je ne vois rien, les fantômes n'existent pas.
C'est lorsque je me suis évanoui qu'il comprit que j'avais vraiment eu peur. Je me suis réveillé dans une clinique non loin du marché avec ma maman à mon chevet. "Je ne te laisserai plus dans ce marché seul mon chéri", elle me baisa le front.

Ma maman, grande commerçante, ne manquait pas d'ennemis. Un jour, un serpent aperçu au milieu des bagages, poursuivi et arrêté, s'est transformé en un ruban lorsqu'un peuhl a voulu se saisir de lui. Des chats morts, des décoctions, des jarres, des chiens étaient régulièrement ramassés chaque matin. Ma mère catholique fervente du vivant de mon père régulièrement mariée à l'Église Saint Pierre et Saint Paul a fini par également se protéger à l'Africaine. Nous buvions souvent des décoctions, des tisanes et des scarifications entaillaient ma peau d'enfant. Un seul enfant refusait tout ceci, jamais il ne s'est fait couper. C'était Fofo Kpèvi. Aujourd'hui à la médiature de la République.

Un événement viendra bouleverser totalement notre quotidien, les élections du 24 Mars 1991

Eglise Saint Pierre et Saint Paul de Parakou




J'étais le seul élève originaire du sud à répondre présent dans la classe aux lendemains des élections du 21 Mars 1991


C'est avec un sentiment douloureux que je pianote sur mon clavier pour vous narrer une partie triste de mon adolescence. Des amis, j'en ai perdu, ils sont nombreux que je ne verrai plus jamais, même si grâce à Facebook, j'ai pu retrouver certains.
Sur près d'une soixantaine élèves, nous restions à peine une vingtaine, ils étaient tous partis, qui par le train laissé gratuitement à la disposition de ceux qui voulaient partir de la ville de Parakou et environs, d'autres par des camions, même sur des motos, l'essentiel était de quitter la ville.
Même le maître a pris la poudre d'escampette, un certain Gbaduidi.
Aux nombreuses questions que nous nous posions sur l'absence du maître, c'est Idrissou, un garçon belliqueux de la classe qui nous donnera des réponses.
" J'ai vu mon père et quelques personnes taper notre maître "

En fait, le maître Gbaguidi aurait voté pour le candidat Soglo et à la question de savoir pour qui il a voté, il aurait avalé le bulletin qu'il était censé déposé dans le panier.

Dans le rang, la plupart des votants surexcités et du nord l'ont alors pris en chasse, il fut rattrapé, molesté devant son élève, le dernier à lui asséner des coups sur son crâne luisant fut le père de Idrissou, qui lui gardait dents pour toutes les fois qu'il avait tapé et renvoyé son fils.
En fait cet événement de Mars 1991 fut pour moi beaucoup plus un règlement de compte entre individus.
La maison la plus visée à Zongo Zénon était celle des " Soglo", ma maison familiale.
Ma mère a construit à deux ruelles de là.
Des jets de pierre furent lancés toute la journée sur les toits de la maison Soglo. Notre maison a été épargnée, l'une des rares maisons a être protégée.
Au portail, ma mère avait pris soin de placarder une grande affiche du candidat Kérékou. Mais ce n'était pas la seule raison pour laquelle nous étions épargnés. Les oeuvres caritatives de ma mère dans le quartier étaient connues de tous, elle était considérée comme une fille du terroir. Ce sont eux-mêmes les " casseurs" qui vinrent monter la garde chez nous.
C'est alors que le flot de personnes a envahi notre maison. Tous les enfants Soglo, leurs parents, les amis fon du quartier, la cour grouillait de monde. Si ma mémoire est bonne, nous avoisinerions plus de 150 personnes. Ma maman ordonna qu'on achète des nattes et qu'on prépare à tout ce beau monde. Ah Célinanon.

Le plan machiavélique concocté par L...et M...pour mieux chicoter les fons


Vous me permettrez de ne pas citer de noms, mais ceux qui ont fait Parakou en son temps savent certainement à qui nous avons affaire.

Je prie chaque fois qu'une élection approche que nous ne retombions dans les sombres événements de Parakou et de Natitingou de Mars 1991. Certains sudistes, qui incitent à la violence, n'ont jamais connu la vraie violence, de simples ouvriers boulangers balancés du haut de l'immeuble Chikou parce qu'ils étaient juste originaires du Sud, ne sachant même pas qui étaient vraiment les candidats en lice. Des dames violées, des enseignants fléchés.
Je m'en vais vous raconter la scène de l'Église Saint Pierre et Saint Paul situé au quartier Kpébié.
Un homme est entré dans l'Église, ceux qui étaient dans ce lieu de culte s'en souviennent encore et racontent cette scène avec toujours cette peur qu'on peut lire dans leurs yeux.
Il a demandé à prendre le micro en pleine messe. (gardons son initial L.) Son entrée fut précédée de jets de pierres de la rue en face jusqu'à l'intérieur de l'Église.
Il rassura les uns et les autres que tout se passera bien et que d'ailleurs des camions sont disposés dehors pour ramener ceux qui le désirent chez eux sans couac
Ce fut le piège. Les piégés se sont retrouvés au stade municipal de la ville, les hommes ont été sérieusement rossés et certaines jeunes filles violées.
Je me sens plus Parakois  que Ouidanien, mais je crains, et je le répète chaque fois, que si l'on n'y prend garde, l'événement de Parakou se reproduirait un jour. Les germes sont encore là latents, prêts à surgir de leur gîte un jour.


L'entrée de notre maison à Parakou
Quand ma maman fut dupée par un faux charlatan fabriquant de sous.

J'aurais bien eu envie d'éluder ce chapitre, ne pas en parler, pour garder sauf l'honneur de la famille, mais j'ose en parler pour que plus jamais personne ne pense qu'un mortel comme lui ne fabrique de l'argent ou en possède les mécanismes chimiques pour en faire venir des banques.

Aujourd'hui encore la disparation subite de la fortune, fut-elle petite de Célinanon, étonne encore les usagers et habitants du quartier Zongo Zénon.
Ma maman, je vous l'ai souligné plus haut, est une femme de grande taille, belle. Très tôt, elle a perdu son époux. Les nombreux conflits que ma maman avait avec ses débiteurs la conduisait souvent au commissariat de la ville. C'est là qu'un des inspecteurs qui sera plus tard le mari de ma mère a réussi à profiter d'elle. Une femme aussi belle et riche et lui inspecteur et également dans le transport. Ce monsieur sera le premier à pousser ma maman à la ruine. En fait, il lui restait quelques mois pour sa retraite. Une fois débarrassé de toutes obligations, il s'est consacré à ses camions.
Pour toutes les pièces gâtées, tous les problèmes survenus sur la route, il avait sa façon d'extorquer les fonds à la pauvre dame. Jouer au soucieux, une fois la question posée, il répondait "ce sont les camions qui sont au garage qui me donnent l'insomnie", ah, ma mère, naïvement remettait autant qu'elle pouvait les sous pour apaiser le coeur de son nouveau mari.
Une petite parenthèse pour prévenir toutes ces dames qui se laissent emporter par les paroles mielleuses des amants qui, au fond, sont là pour vider leurs poches. Femme!!! Prépare l'avenir de tes enfants, rien que tes enfants, ne te tue pas au marché dans ton commerce, au bureau pour un amant, jamais!!!

Malgré cette technique bien trouvée pour siphonner le butin que nous les enfants avions constitué, la dame tenait bon. Le coup de grâce viendra de l'intérieur, ma soeur aînée viendra avec un homme aussi noir que du charbon, un soir. J'étais assis à côté de ma maman. J'entends encore en boucle cette phrase dans ma tête.
"Maman, commença-t-elle, cet homme sait faire de l'argent !"
Je me suis redressé et sans hésiter, j'ai demandé comment ça ? J'étais  en 6 ème mais très mâture pour un garçon de cette classe.
Les petites visites du monsieur étaient fréquentes.

Quelques semaines après, en rentrant dans sa chambre, j'ai vu ma mère qui sanglotait sourdement. Elle faisait face au mur, donc me faisait dos, les spasmes qui faisaient frémir tout son corps prouvent qu'elle pleurait depuis longtemps. J'étais pratiquement le seul à avoir accès à la chambre de ma mère sans aucune crainte de celle-ci. J'ai appelé ma maman. Elle se refusait de se retourner, rarement j'ai vu les larmes de ma mère.
Quand elle s'est résolue à me faire face, j'ai vu ses yeux qui étaient aussi rouges que les piments de la région d'Agbangnizoun.


"Mon fils, ils m'ont tué, Odjoubélémilou est parti avec mes millions"





L'arrestation manquée de Odjougbélémilou et le départ précipité de ma maman de Parakou

J'ai suggéré à ma maman de porter plainte, entre temps, ma soeur ayant vu que l'affaire avait foiré a quitté la maison, mais était chez une amie dans le quartier. Les domestiques étaient parties, il restait à peine deux, Mariam et Baké, les plus fidèles des fidèles, elles ne recevaient plus leur paie, mais avaient décidé de rester, certainement aussi à cause des services nocturnes rendus par mes cousins.
Par un matin d'harmattan, ma mère et moi avions pénétré dans l'enceinte du commissariat, jusque là, elle se refusait toujours de porter plainte. Je lui ai tiré la main et l'ai obligé à avancer. Elle avait honte d'elle, elle s'essuyat avec le bout de son pagne deux filets de larmes  venaient mourir sur ses joues.
Une fois le problème posé, les policiers nous ont dit que nous n'étions pas les seuls à être victime du fameux charlatan et qu'il y avait déjà une plainte à son encontre. Ils ont promis le ramener après l'indication faite de sa maison par ma mère.
A peine 45 minutes après, les policiers étaient de retour, aucune trace de Odjoubélémilou, il se serait volatilisé. Je préfère taire le nombre de millions qu'il a réussi à extorquer à ma mère.
Aujourd'hui encore, je me demande comment une dame aussi avertie ai été simplement bernée de la sorte. Ma maman resta en froid quelques semaines avec ma soeur, puis l'excusa. Mais le plus dur allait commencer.

Ma maman a dû quitter précipitamment Parakou à cause des créanciers.
Et oui, elle a contracté certaines dettes pour donner la  somme exigée au marabout.
Ma maman a réussi à se remettre un peu d'appoint sur la bande des deux cents mètres au Port German-co. Nous faisions partie des tout- premiers à nous installer dans cette allée qui sera l'une des plus bruyante de Cotonou. (Une autre histoire à vous raconter)

Mais malheureusement, elle nous a quittés en Novembre 2012.

Arnaud AMOUSSOU, Votre humble serviteur

lundi 13 janvier 2020

Il a uriné dans la bouche de son amant sous mes yeux d'enfant

( Cette histoire est dédiée à toutes les femmes qui trompent leur mari. La nature a ses lois. Tôt ou tard, la vérité finit par s'éclater)



Dans les ruelles de Yébou  Béri, une des zones couvrant  Zongo Zénon, non loin de la  mosquée centrale implantée en plein cœur du marché Azrèké, cette histoire se raconte encore de bouche à oreilles à Parakou.
Je devais probablement avoir entre 9 et 10 ans, l'école Baouèra la plus grande école de ce quartier populeux jouxtant aussi bien le cimetière de Parakou que l'abattoir offrait sa grande cour pour nos différents jeux. Un événement mettait en ébullition tout le quartier. C'était pratiquement impossible pour un gamin ayant fait cette école de rater les matchs entre Yébou beri et Yara kinin deux quartiers rivaux. La rivalité était si forte que si l'une des deux équipes perdait avec une décision arbitrale mal analysée, les bagarres s'enchaînèrent aussitôt. C'est en effet lors de l'un de ces matchs que nous suivions avec les arrêts spectaculaires de Djiman Gambari ( excellent gardien des buffles, frère aîné de Hiskil  joueur plus tard de l'équipe nationale) que les cris fusèrent de l'autre côté de la clôture. En cette période, seule la devanture de l'école avait un pan de mur comme clôture.

Tout le monde cherchait à connaître la raison de cette soudaine saignée de foule.

Par petits groupes, les jeunes gens qui ne laisseraient pour rien au monde un match entre ces deux équipes, vidaient pourtant peu à peu les abords du terrain. Cet élan de foule vers le portail qui donnait sur la grande voie qui partait de l'auto-gare (aujourd'hui dégagée) de la boulangerie Chikou  jusqu'à se perdre dans le  contournement du quartier Banikanni, attirait l'attention de tous. Le match continuait mais je décidai, pneu en main de suivre une des vagues de personnes. "Ils l'ont pris, elle a été attrapée la main dans le sac, ils sont toujours collés " pouvait-on entendre au loin en nous rapprochant de l'attroupement, c'est cette dernière portion de phrase qui m'intriguait. Avec mes mains frêles, j'essayais me servant de mon pneu de bousculer à gauche et à droite des personnes plus âgées que moi pour me frayer un chemin. L'idée m'est venue de ramper pour voir plus rapidement. Pouvoir suivre de plus près ce qui se passait devant, savoir la cause de rassemblement de  tant de gens, ce qui a pu ravir la vedette à un match aussi suivi que le "Classico". Le pneu ne me facilitait pas l'avancée, je décidai alors de l'abandonner. J'avais de toutes les façons d'autres pneus à la maison. Bougeant rapidement comme un ver de terre, je fus tiré du sol par un monsieur de teint noir, un homme lugubre qui me souleva par les oreilles. J'avais malencontreusement marché sur ses pieds, non content de me piétiner lui aussi,  il enfonça ses sales ongles dans la partie cartilagineuse de mon oreille et pressait tellement fort que j'hurlai de toutes mes forces, mais le bruit de la foule couvrait ma faible voix. Il continua a triturer mon oreille qui commença par me brûler.  Par réflexe, je le mordis à la cuisse, il me lâcha. Je fuis à toute vitesse bousculant autant que je pouvais la foule compacte  pour me retrouver heureusement devant. Mais tellement, je fuyais mon agresseur que je suis tombé presque sur le couple enlacé au milieu de la foule...




Mamoudou le Goliath de l'auto-gare  tremblait comme une feuille à la vue de son épouse coincée sous ce Ibo

Je haletais devant une immense foule et ma surprise fut accrue quand au milieu du cercle formé par cette marée humaine, je vis deux corps entrecroisés, entrelacés, on aurait dit des siamois. Un gros pagne leur servait de couverture et laissait entrevoir  leurs pieds et  le haut de leur corps. Ce que plus tard, je connaîtrai sous le nom de pénis captivus, ou syndrome du pénis captif, s'opérait sous mes yeux, mais dans le cas d'espèce, nous en étions à sa version africaine, elle était  provoquée.
Je me permets de faire ici ce rappel, le pénis Captivus, est un accident sexuel rare qui caractérise le fait que le sexe de l'homme reste coincé dans le vagin lors de la pénétration. Le caractère rare est à mentionner.

Mamoudou, l'homme le plus baraqué de l'auto-gare est revenu lors de l'un de ces voyages avec une nigériane, une femme de Saki. Cette dernière aurait régulièrement et en catimini des relations extra conjugales avec un Ibo, un de ses compatriotes. Plusieurs fois averti, le cocu s'est procuré un produit  chez Aladji Moussa, réputé pour ses produits super efficaces. Une fois versée tout autour de son épouse au cours d'une nuit, il n'attendait que le moment propice pour arrêter un éventuel "tapeur de dos". Deux jours après, ayant feint un voyage, le voici alerté depuis l'auto-gare par les cris de ses soeurs et cousines qui ont surpris Ibochoukou, le Ibo vendeur de pièces détachées qui a loué une boutique à quelques encablures de la maison de Mamoudou.
J'étais là à côté de ce couple piégé et du mari cocu. Mamoudou versait un torrent de larmes, il pleurait comme un petit garçon qui a perdu son jouet le plus précieux.




Les sages du quartier ont supplié Mamoudou de  "détacher" les amoureux piégés.

 A l'auto-gare de la boulangerie, Mamoudou était craint. C'était un homme aussi barbu qu'un Talibé des montagnes de Tora bora, prêt à se faire exploser. Même si ce n'était pas son tour pour prendre le chargement des clients, le seul regard de Mamoudou faisait faire marche arrière à tout conducteur qui s'était positionné. Cet homme de près de 2 mètres regardait ces deux cousins qui ont transporté sur un brancard son épouse et le Ibo depuis sa chambre avec colère. Ceux-ci ont fait deux pas en arrière. Mamoudou a balayé la foule d'un regard, tout le monde s'est tu comme s'il eut réclamé le silence. "Tue le Ibo, et renie ta femme, brûle les deux". Les propositions de vindicte venaient depuis la foule. Une haie d'Hommes s'était formée laissant place à quatre sages du quartier qui s'étaient rapprochés du mari cocu. "Libère les", mon frère, conseilla l'un d'eux.
Ce que j'ai vu m'a paru surréaliste. Il a demandé et a obtenu le recul de la foule, il sort sa pine et d'un trait urine dans la bouche du Ibo à qui on a expliqué au préalable que c'était l'unique solution de sa délivrance.
Comme par magie les deux corps enlacés depuis des heures se sont détachés sous mes yeux. Dégoulinant de sueur, Ibouchoukou et sa dulcinée se servaient ensemble du seul pagne pour se couvrir une fois debout. L'arrivée des forces de l'ordre a fini par disperser le reste de la foule qui a conduit le mari et les deux tourtereaux au commissariat de la ville.

Aujourd'hui encore à Parakou, quartier Zongo Zénon, cette histoire fait son chemin de bouche à oreilles.

Arnaud AMOUSSOU, Votre humble serviteur

jeudi 9 janvier 2020

Ma contribution au retour d'un roi légitime à Abomey ( En mémoire de Térence Bélou)



L'histoire que je m'en vais narrer, je la dédie en grande partie à un ami, un frère qui nous a quittés en ce début d'année 2020, Térence BELOU

Pendant longtemps, je me suis refusé de revenir sur ma courte durée à la tête de la direction régionale de Canal 3 Zou-Collines.
En effet par un matin de 13 Novembre 2009, je me suis retrouvé à Bohicon nommé à peine deux jours plus tôt par Malick Gomina. Il m'a dit " Arnaud j'ai confiance en toi, va et relève moi ce défi.
Me voici donc arrivé dans la ville carrefour, sans rien oui pratiquement sans rien, il y avait une caméra, une moto et un petit ban de montage. 
Le cadreur envoyé sur le terrain avant moi Eder Hounkpèvi travaillait avec Fredy Kpadonou. (Celui qui a posé les bases de la direction)

Ils m'ont bien accueilli puisque je les connaissais depuis Cotonou. Sur cet immeuble situé en plein cœur du marché de Bohicon, où nous nous situons au premier étage. Je vis entrer un homme frêle à l'allure sahélienne, les cheveux hirsutes et mal peignés.
Bonjour DR (directeur régional) me fit-il en me serrant vigoureusement la main. 
C’était la première fois que quelqu'un m'appelait DR, j'ai souri du coin des lèvres et je l'ai salué aussi avec entrain.

Térence BÉLOU, est mon nom m'a t-il dit.

En fait j'ai vu Térence juste une seule fois au groupe de presse Fraternité, mais on ne s'était pas vraiment familiarisé, il était alors correspondant du journal Fraternité.
Ce fut donc l'occasion de refaire connaissance. Sa phrase qui m'aura surpris le plus fut celle-ci " Je serai votre adjoint, le DG m'a déjà informé " et croyez moi, je suis là pour vous aider"
N'ayant reçu aucun consigne de Cotonou, je me suis senti un peu gêné, mais j'ai souri et je lui ai dit pas de problème, je vais aussi joindre le DG pour en savoir un peu plus. Il semblait étonné de ma réaction, mais tout de suite je l'ai rassuré.

La visite au Palais d'Abomey avec mon ami Max

Térence et moi sommes devenus très grands copains, fin connaisseur de la région et ne rechignant jamais je dis bien jamais à mes injonctions, (injonctions que je donnais avec courtoisie, Térence étant plus âgé que moi)
Des papiers de terrains pleuvaient et nous étions régulièrement félicités par la hiérarchie à Cotonou.
Mon ami Max décida alors de passer me voir. A son arrivée, nous avons décidé de visiter la ville, entre temps au vue de nos prouesses et fort de ce que l'honorable Issa Salifou était de Bohicon nous avons hérité d'une voiture 4×4, une 4 Runner, couleur blanche. 
J'ai suggéré à Térence de nous accompagner au Palais Royal d'Abomey. 
Nous avons payé quelques tickets à l'entrée et nous voici à l'intérieur. Au cours de la visite, le guide  nous montra les armoiries des anciens rois. Et à Max de demander, Oui mais on parle tout le temps de Royaume d'Abomey, mais où se trouve votre roi?
Il me posait en fait cette question. Moi qui pendant longtemps fanfaronnait devant lui   que ma mère est l'arrière petite fille de la soeur du roi Ghézo. Cette question m'a laissé pantois.
Et c'est Térence qui viendra à mon secours avec son humour légendaire il dit " Cher monsieur, apparemment, ils n'en veulent plus " cela fait des années qu'ils se disputent le trône par ici.

Une fois la visite terminée, nous sommes partis manger chez " Yam" un restaurant bien connu de la ville. Sur la terrasse, de jeunes gens s’interpellaient par une expression bien connue du milieu Fon " Dah Hovi" 
Disons juste que cela veut dire prince. C'est à cet instant que j'ai à nouveau posé la question  à mon adjoint Térence, " il se passe quoi, pourquoi effectivement Abomey n'a pas un roi officiel reconnu comme tel. Il m'a dit DR " ne vous mêlez pas de cette affaire" 

Je lui ai dit si je veux savoir. Il a dit OK, ce soir je vous amène quelque part...



Notre première visite chez Dada Kpannan ADOUKONOU

Térence l'homme du terrain, il prit son vieux téléphone, (nous l'avons changé quelques jours après)
Et composa nerveusement un numéro comme s'il ne voulait pas vraiment que je l'embarque dans mon aventure. Après quelques secondes d'attente, l'interlocuteur décrocha, et en langue Fon, il dit " Dah, c'est moi Térence, vous serez à la maison ce soir, je passerai avec mon patron ( incroyable Térence, humble, serviable, simple)..
Quand il a raccroché, il dit DR, c'est bon, mais le monsieur souhaite qu'on vienne un peu tard.
A 22 heures à bord de notre nouveau joyau la 4 Runner, nous nous sommes dirigés vers les voies sinueuses de la vieille ville, a cette heure Abomey dormait déjà ou presque, en 2010, la ville était en chantier, difficile d'avoir accès à de bonnes pistes, mais en fin connaisseur des raccourcis, Térence indiqua la voie à notre conducteur Florent AMOUSSOU (je ne le connaissais ni d'Adam, ni d'Ève avant son recrutement).

Nous voici alors au domicile de Dada Kpanan. Un gran homme, avenant, au sourire radieux, il serra la main à Térence et il  me serra aussi la main. A mon grand étonnement il dit qu'il me connaissait, mais où je n'en savais rien, lui non plus visiblement, mais jurait qu'il m'avait déjà vu. 
De toutes les façons ce n'était pas pour me déplaire, si cela pouvait faciliter notre doléance.
J'ai alors laissé le soin à Térence de prendre la parole et de poser l'éternelle question.
" Dah, dit-il comme pour me répéter in extenso, pourquoi Abomey n'a pas un roi officiel "?
Le rire, disons le clairement sarcastique du monsieur me figea, il a pris une minute à rire et à se taper la cuisse et les mains.
Au mur, je voyais des objets hétéroclites, un peu plus loin avec la lueur de l'ampoule du dehors, j'apercevais dans la pénombre de la cour des fétiches de part et d'autres, une dame certainement une de ses épouses nous apporta à manger, j'ai refusé le mets  Térence et lui s'en gavaient. A cette heure de la nuit, comment pouvaient-ils encore manger aussi copieusement  me disais-je au fond de moi. 
À peine s'est-il lavé les mains, que notre hôte (Dada Kpannan)  commença sa phrase par " Bon, si vous voulez nous allons installer un roi à Abomey "
 Cette phrase m'a paru aussi  ambiguë qu’intrigante. Qui sommes-nous pour aider à installer un roi d'Abomey.

Et puis sans trop me laisser réfléchir, il me tapa le genou. " C'est bien toi le chef de Canal 3 dans le Zou, tu as du cran, tes patrons vont te laisser travailler ?
Si tu me dis oui, on enclenche tout demain matin "
Demain matin ? Mes yeux globuleux que je tournais faisaient rire Térence qui me fit signe d'un geste d'accepter. 

J'ai dit Oui, nous sommes prêts.
Franchement, à l'heure là je ne savais pas dans quoi je m'embarquais.
Nous avons pris congé de notre hôte. Rendez-vous le lendemain 10 heures même endroit.
Au retour dans la voiture, nous avons traversé une ville totalement endormie.
Térence m'a dit DR, ce monsieur est un téméraire, travaillons avec lui et quelque chose sortira.  
Je suis allé déposer Térence à son domicile malgré son entêtement à revenir chercher sa moto au siège et de repartir à la maison.
DR, rien ne m'effraie dans cette ville hein, me lança t-il à son portail...




" Je suis le nouveau Roi d'Abomey"

La phrase qui a tout déclenché.
Le lendemain vers 8 heures, je me suis rendu chez Térence, (je dormais la plupart du temps au boulot, pour vite envoyer les éléments, il faut monter les reportages la nuit et les remettre au premier chauffeur qui part à 5 heures, la route Cotonou-Bohicon était en construction, le voyage peut durer trois heures, voire 4 heures)..
J'étais donc au Portail de mon cher ami, il n'était pas prêt, j'ai dû me retourner au bureau pour chercher le cadreur Eder HOUNKPÈVI, ( un mec cool, qui était toujours focus boulot), vers neuf heures, Térence était prêt, il m'a rappelé.
Nous nous sommes rendus ensemble au domicile de Dada Kpannan qui nous attendait avec sa cour. Drapé dans une belle tenue blanche il ceignit un gros pagne à la hanche avec un noeud au bout aussi gros que les mains gantées d'un boxeur professionnel. Il nous a reçu toujours avec le même sourire et une déconcertante quiétude. Il nous a offert deux verres de Talokpémi (petit verre pour boire l'alcool local) je déclinai bien évidemment l'offre mais à ma droite, d'un trait Térence avait déjà fini son verre et s'apprêtait à en réclamer un autre. Mon clin d'oeil a suffit pour qu'il redépose délicatement son verre. 
En me tapant l'épaule Dada Kpannan remarqua que je n'aime rien prendre. J'ai dû inventer rapidement un mensonge, " Dah, j'ai pris des médicaments qui ne permettent pas d'y ajouter de l'alcool"
Avec une moue qui couvrait sa petite couronne bien taillée avec les barbes autour de sa bouche. 
Il me dit " Médicaments de blancs, tu ferais mieux de prendre de temps en temps des plantes de chez nous"

On a ensemble fait un briefing, dans lequel on lui a demandé qu'est-ce qu'il comptait dire a peu près.
C'est là encore que je serai surpris.
" Ce que je veux dire, si je le dis et vous le diffusez comme tel peut tout déclencher "
Je lui ai dit de parler seulement, sachant que je vais couper les parties à polémiques.
Son introduction fut fracassante. " Moi Dada Kpannan, je suis le nouveau roi d'Abomey, et ce jusqu'à nouvel ordre".

J'ai dit au cadreur de couper d'abord.
Je lui ai dit de m'accorder quelques minutes.
Je me suis retiré avec Térence et il m'a dit " DR, nous allons choisir ce que nous voulons dans tout ce qu'il va dire.

Nous sommes repartis nous rasseoir, et avons fini l'interview. 
Il ajoutera par la suite que dans les temps immémoriaux, quand il avait un conflit dans le royaume, ce sont les Kpannan qui prenaient la régence en attendant le retour à la normale.
Une fois au siège, après maintes réflexions, j'ai presque envoyé l'élément crûment à la direction, et à ma grande surprise, le reportage est passé avec les phrases à polémiques.

Le plus dur allait commencer...

Les réactions de Dada Dédjagni Ogoli-Agbo et de Houédogni BÉHANZIN

Il nous fallait recueillir la réaction des protagonistes, des prétendants au trône qui se chamaillaient depuis des années après la déclaration pour le moins fracassante de Dada Kpannan. 
Nous nous sommes rendus d'abord à Djimè, au palais royal pour rencontrer le roi Houédogni Béhanzin, 
Lorsqu'on nous a annoncé il n'a pas mis du temps à sortir, ce qui était rare, il prend parfois plus de 45 minutes voire une heure avant de sortir.
Ce jour là, il est sorti promptement. Et la question il la connaissait, puisque les propos de Dada Kpannan étaient le chou gras des débats dans le palais. Même à notre arrivée certains nous pointaient du doigt, " ce sont eux qui sont allés tendre le micro à Kpannan " marmonnaient-ils dans leur coin.
Mais bon, moi je n'en avait que faire, j'étais focus sur mon travail. A mes côtés mes trois lieutenants ( si je peux les appeler ainsi) Térence Bélou mon adjoint, Eder Hounkpèvi, le cadreur et Florent Amoussou le chauffeur.

Houédogni, renvoyant plusieurs fois son gros pays vers son épaule, prit la parole.
" Moi je suis content de ce que Dada Kpannan a dit, il a raison, en vérité, quand il avait un problème dans le royaume, ce sont eux effectivement les Kpannan qui assumaient la régence"

Cette phrase me soulagea, j'émis un gros soupir et un petit rictus du coin de ma bouche. 
Au dehors, Terence et moi, nous nous sommes tapés dans la main, on a presque manqué de crier Hourrah

Cap sur Gbindo, palais privé du roi Agoli-Agbo.
Un Palais situé derrière le grand hôpital. En fait je le connais très bien parce que j'y ai passé une vacance entière là. Au sein même du palais, et c'est peut-être ce qui nous sauvera.
En fait, la fille de la soeur  du roi  a épousé un Tonton du quartier Zongo Zénon du nom de Mohamed, et ce dernier l'a ramené à Parakou, une maison mitoyenne à la nôtre. Comme la nouvelle épouse est d'ethnie fon et à côté nous parlions fon elle s'est vite liée d'amitié avec nous. N'oubliez pas, nous sommes à Parakou, une ville cosmopolite certes, mais musulmane en majorité. Fort de cette amitié, elle a souhaité que j'aille passer les vacances chez elle à Abomey, j'étais encore tout jeune. Donc je connaissais bien Gbindo.

A Térence, je n'avais rien dit par rapport à ce pan de mon passé.

Nous voici donc devant le Palais la statuette de Lion que je voyais là plus jeune n'y était plus.
L'accueil était froid. Nous avons demandé qu'on nous annonce. Quelques 20 minutes après, le jeune que nous avons envoyé revint en se grattant la tête, le roi est occupé, mais un autre jeune plus trapu, aux yeux rougis par je ne sais quel produit, sortit gaillardement torse nu et sans détour affirme. " En fait, le roi ne veut pas vous voir, vous semez d'abord le désordre avant de venir voir le roi pour interview"

C'est là que j'ai sorti ma carte Joker. Je l'ai reconnu, nous jouions ensemble quand j'étais venu en vacances. Il était deja trapu même plus jeune. On l'avait surnommé Akoti".
Je l'ai appelé par un sobriquet qu'il a entendu il y a plus de 20 ans.
Étonné, il est sorti mettant sa main de façon plate au front comme pour se cacher du soleil et me dévisagea pendant au moins une minute, tournant tout autour de moi. 
Mais toujours rien, j'ai du lui dire, Arnaud Parakou, il s'est agrippé à mon cou, comme s'il allait me stranguler tellement il me ceignit. 

On s'embrassa et il nous fit entrer. Il a dit je vais appeler Dada, un instant. 
Le roi sortit avec son cache nez et certainement briefé par Akoti.
Il me sort cette phrase connu de tout bon fon.
" C'est toi un fils du terroir qui fait ça? " 
Comme pour dire que j'ai fait quelque chose de mal à la maison mère.
Je me suis agenouillé rapidement en invitant ma délégation à le faire. Implorant son pardon. 
Il finit par accepter de parler.
Il n'y alla pas de main morte.
" Ce Dada Kpannan est un prétentieux, un irrévérencieux, de quel droit se permet-il de dire qu'il est le nouveau roi d'Abomey "?

Ses propos en contradiction avec ceux de Houédogni me réjouissaient déjà , j'allais pouvoir  faire l'équilibre...

La réaction du DG Malick et de quelques autorités de la ville d'Abomey et de Bohicon

Je dormais encore vers 7 heures 30 minutes quand mon téléphone sonna, à l'écran, DG Malick..
Je décrochai avec une célérité à la Lucky Luke. ( chaque fois quand le DG Malick appelait, c'était comme ça, il nous aura tous dressé, un très bon patron)  Que ne fut pas ma surprise lorsque j'entendis les premières phrases. " Mais Arnaud à quoi joues-tu, que fais-tu?
Pourquoi tu veux te créer inutilement de problèmes ?" tellement il débitait que je n'ai pas eu le temps de placer une seule phrase, j'ai dû alors attendre qu'il finisse.  Avec une certaine assurance que je tirais de je ne savais où, j'ai dit avec calme : ".Bonjour DG, vous vous souvenez lorsque vous m'envoyiez ici, vous m'avez dit que vous avez confiance en moi. ( j'avais pratiquement fait tous les départements du groupe de presse,  l'imprimerie y était passée,  même si c'est pour veiller avec les imprimeurs et les surveiller, on l'a fait des jours durant). Vous vous souvenez?
Il a répondu Oui, "mais que  se passe t-il à Abomey et tout le monde m'appelle de partout ?" a-t-il tempêté à nouveau

Je lui ai dit que rien de grave ne se passait et que je maîtrisais la situation.
Son OK, a été suivi de cette mise en garde." Fais attention à toi mon frère "
J'étais tellement content qu'il me rassure de la sorte. J'avais donc le OK du chef.
Dans la journée, des amis de la mairie de Bohicon défilaient dans mon bureau, cher ami, ne te mêle pas se cette guéguerre" me conseillaient-ils,
Je fus appelé par Malèhossou qui voulait en savoir plus.
Dans la journée, nous avions un reportage à la mairie d'Abomey, depuis la voiture de la vitre teintée, j'ai senti tout de suite une certaine animosité. Dès ma descente, aucune salutation, sauf deux frères aînés Djobloski et Élie, qui n'ont curieusement pas abordé le sujet avec moi.
Bah, qu'à cela ne tienne. J'ai fait mon reportage et je suis réparti...



L'intronisation de Dada Dédjalagni Agoli-Agbo, comme roi officiel du Royaume d'Abomey

Les choses sont allées vite, oui très vite même, une fois les interventions des deux prétendants balancées, la polémique dans la ville d'Abomey s'est encore plus enflée. Dans les ateliers, dans les marchés, à la mairie, dans les deux palais privés, il ne se passe de minute, sans qu'on ne parle aussi bien de l'interview de Dada Kpannan que des réactions des deux prétendants.
C'est Dada Kpannan qui accéléra les choses. Il réunit des rois de canan et d'autres régions, je ne saurais les citer ici, ils étaient 12 ou 13 si je ne me trompe, ils se font appeler les cardinaux, et ce sont eux qui sont passés au vote, un vote secret. Je crois que ce fut un vote très transparent. Je m'en vais vous dire pourquoi, à aucun moment Dada Agoli-Agbo ne savait qu'il serait élu. Nous sommes repartis recueillir sa réaction après l'installation des cardinaux, il tenait toujours le même discours mais Houédogni était confiant et pensait passer. Il était plus modéré dans ses propos.

A la grande surprise, c'est Agoli-Agbo qui est passé. Lui-même s'en revenait pas.
Le Royaume d'Abomey avait désormais un roi officiel plus personne ne se moquera d'Abomey,
Mais Canal 3 avait un souci. Un gros souci.

 Djimè était en feu, les fils et filles  Béhanzins ayant appris les résultats du vote étaient furieux, ils ont barricadé la grande voie qui reliait Bohicon à Abomey. Le coupable était connu, Canal 3 . Ils ont juré brûler notre 4 Runner.
Même pour le reportage de l'intronisation du nouveau roi élu, nous avons du passer par le contournement. Mais la menace persistait.
Arrivé au palais royal d'Abomey, je vis une foule immense, les gens se congratulaient et la phrase fétiche était  enfin, nous l'avons fait
C'est alors qu'un homme fend la foule malgré  qu'il était aux premières loges et vint m'embrasser, il embrassa aussi toute mon équipe. Et il demanda le silence avec un " Atoooo" mot qui imposait le calme. C'était Dada Kpannan,
Il me présenta à la foule comme l'artisan de tout ce qui est arrivé. Et demandait au roi s'il me connaissait, le nouveau roi a souri et lui a dit, c'est mon fils.
Il lui a alors dit, on doit l'honorer lui et son équipe, il aura un titre au palais ici. Le roi a répondu absolument.
Jamais je n'ai été honoré, d'ailleurs je n'en veux même pas, où est le mérite, j'ai juste fait mon travail de journaliste.
Et le fait que ma mère paix à son âme, arrière petite fille de la soeur du roi Ghézo soit fière de moi m'allait largement.
Pour finir, en 2016, je suis réparti au palais royal d'Abomey pour acheter des objets d'art, chez les Lanmadossélou, les Hountondji, les Ayadokoun ( j'ai fait un reportage sur eux, je vous le raconterai)
Et qui je vois dans la cour Dada Kpannan, il est venu vers moi, me serra vigoureusement la main, me remercia de nouveau..
Et dans sa voiture le roi qui passait comme par hasard, il fit arrêter la voiture, et a dit " Dada, tu as oublié la promesse qu'on a faite à ce garçon, il faut qu'on paie notre dette"...

Mon mot de fin  😳☺️

Bien que mes amis me proposent souvent de raconter des histoires, je ne le fais qu'à mes enfants, j'en ai tellement raconté que je n'en ai plus, chaque trois jours, j'essaie d'en fabriquer une. Si vous avez aimé mon histoire, faites le savoir, j'ai plein d'autres histoires au frais.
Comme je le disais, j'ai fait ce rappel historique en mémoire d'un ami, d'un frère, pour que jamais le monde ne t'oublie Térence Bélou.
Peut-être que je ne l'aurais jamais écrit si la faucheuse ne t'avait pas emporté si tôt.
Si une seule personne ne se sent pas en accord avec ma narration je suis prêt à lui répondre.
Je continue de dire que peut-être que ce texte n'aurait peut-être jamais vu le jour si je ne tenais pas à rendre des hommages mérités à un être cher.

( Dada Kpannan est toujours vivant, mon ancien DG Malick, Eder et Florent aussi)

Paix aux âmes de Térence, de Dada Agoli-Agbo, de Dada Houédogni


Arnaud AMOUSSOU ( ancien Directeur Régional Canal 3 Zou-Collines, 2009-2011)
Votre humble serviteur